BRAFA VS Design Miami

Arts primitifs, art déco ou design contemporain, quelles sont les époques les plus prisées du marché de l’art en ce moment?? Est-il plus intéressant d’investir en se tournant vers le passé ou vers l’avenir ? Parlons chiffres avec un regard sur les ventes de Design Miami et Brafa, deux salons que tout oppose.

C’est bien connu des collectionneurs, la Tefaf de Maastricht est exceptionnelle pour les tableaux anciens, la Biennale des antiquaires de Paris pour le mobilier, Art Basel pour l’art contemporain et Design Miami pour le design de collection. Dans cet inventaire non exhaustif qui recense quelques-uns des rendez-vous incontournables des amateurs d’art et des investisseurs, le constat est commun?: le marché de l’art continue de résister à la crise. Mais quels sont les créneaux les plus prisés?? Pour comparer l’incomparable, Design Miami est le salon qui clôt l’année et Brafa inaugure le calendrier international. Bien que moins connue que sa rivale de Maastricht, c’est sur Brafa que se focalisent les observateurs qui analysent le comportement des acquéreurs par rapport à l’année qui commence. Alors que Design Miami se veut le forum international des galeries de design du XXe et du XXIe siècle, Brafa est orientée vers les arts anciens, l’Art déco et les catégories plus classiques telles que la porcelaine ou l’orfèvrerie. Malgré ces différences, dans les deux cas, art et commerce convergent. Selon les organisateurs de Brafa, l’édition 2012 a été dopée par d’excellentes ventes dans tous les domaines. Pour citer quelques exemples, la Galerie Delvaille (Paris) confiait une dizaine de ventes lors des deux premières journées, dont un tric- trac (table de jeu à dés, ancêtre du jacquet) d’époque Louis XVI, la Galerie Taménaga (Paris) se défaisait aussi le premier soir d’un tableau de Marc Chagall annoncé à quelque 780?000 euros. Grande satisfaction affichée également par les spécialistes des arts médiévaux et anciens, chez De Backker Medieval Art (Hoogstraten), une huile sur panneau datée de 1500 environ a été enlevée à un prix oscillant entre 300?000 et 400?000 euros. La Galerie Phoenix Ancient Art (Genève-New York) a cédé plusieurs pièces dont une figurine égyptienne de la période de Ramsès II ou III (XIIIe-XIIe s. av. J.-C.), annoncée à 290?000 euros.
A Design Miami, salon spécialisé dans le design de collection et les éditions limitées, la plupart des galeristes misent sur des valeurs sûres, au détriment parfois de l’innovation. On retrouve souvent les mêmes grands noms du design du XXe siècle, Jean Prouvé en tête, suivi par Le Corbusier, Charlotte Perriand et Jean Royère. La Galerie Jacques Lacoste (Paris) a mis en vente un cinéma privé signé Jean Royère, commissionné dans les années 50 par le shah d’Iran et la Galerie Patrick Seguin (Paris) a présenté une maison complète en aluminium de 8×12?m de Jean Prouvé vendue à un collectionneur suisse pour une somme non communiquée, mais qu’on peut estimer bien au-dessus du million d’euros. Parmi les galeries qui présentent du design contemporain, Mitterrand+Cramer (Genève) propose des pièces en édition limitée réalisées en collaboration avec des designers cotés comme Tom Dixon, Maarten Baas ou Studio Job. Dans ce cas, les prix oscillent entre 15?000 et 40?000 euros.

Pièces d’exception

Les observateurs et spécialistes s’accordent à dire que malgré la crise les pièces d’exception trouvent toujours preneur, indépendamment des époques. La Galerie Steinitz (Paris), présente à Brafa, a trouvé plusieurs amateurs intéressés à sa boiserie Louis XV dont l’ensemble était proposé à environ 1 million d’euros. A titre de comparaison, la chaise longue de Marc Newson Lockheed Lounge Chair en fibre de verre recouverte de plaques de métal rivetées, fut vendue en 2006 chez Christie’s pour 968?000 dollars, performance qui constituait déjà à l’époque un exploit. Six ans plus tard, la même pièce bat un nouveau record puisqu’elle a été récemment cédée à plus de 2?000?000 de dollars. C’est sans conteste le montant le plus important jamais payé pour l’œuvre d’un designer vivant?!

Spécialisé dans les arts décoratifs français du XXe siècle, Jacques Lacoste, galeriste parisien installé rue de Seine et petit-fils du fondateur des chemises au crocodile, a acquis les archives de Jean Royère en 1997. Le maître, qui décora le palais du shah d’Iran, ne travaillait qu’à la commande?; ses œuvres n’ont donc jamais été éditées en grande série, contrairement à celles de Le Corbusier. Leur cote en est d’autant plus élevée. C’est ainsi que deux fauteuils Ours Polaire de Royère de 1950 proposés par la galerie parisienne Downtown ont trouvé preneur à Design Miami pour 300?000 euros. «?Il y a vingt ans, un canapé Ours Polaire se négociait 25?000 euros. En 2005, il en valait 50?000 et aujourd’hui bien plus que 150?000. En quelques années, sa cote a plus que triplé?», constate Jacques Lacoste, satisfait d’avoir anticipé le succès du designer en acquérant ses archives au bon moment. Selon lui, «?la frontière entre les arts décoratifs et les arts majeurs s’atténue, le design étant de plus en plus considéré comme un art majeur. La plupart des collectionneurs d’art contemporain aiment s’entourer de mobilier du XXe siècle et recherchent le prototype, la pièce rare ou révolutionnaire.?» Et pour cela, ils sont prêts à mettre le prix.

Investir dans la qualité

Si les arts anciens et l’art contemporain constituent des mondes différents, ce qui compte avant tout selon Edward
Mitterrand, galeriste à Genève et consultant, c’est la qualité des œuvres. Un brin provocateur, il affirme ne pas croire à l’investissement dans l’art. «?C’est un terme qu’on utilise quand on cherche à attirer des acheteurs. En réalité le meilleur investissement est la qualité de l’artiste et de ses œuvres. En général plus on est impliqué dans le monde de l’art (y compris dans le marché) plus on a de chances d’être attiré par des œuvres de qualité.?» Et comme la qualité se juge sur la durée, il faut du temps. «?On peut gagner de l’argent avec l’art, poursuit-il, de façon beaucoup moins risquée que dans la finance, mais le moteur doit être plutôt son propre investissement qu’un pur placement financier.?»
Les prix de l’art dépendent-ils des époques des œuvres?? «?Ils dépendent d’abord de l’époque dans laquelle on se trouve. C’est elle qui détermine globalement les intérêts du marché et en ce moment c’est essentiellement l’art moderne et contemporain qui domine.?»

BRAFA

(Brussels Fine Arts & Antiques), du 19 au 27 janvier 2013, Bruxelles. www.brafa.be

Design Miami, du 4 au 9 décembre 2012, Miami. www.designmiami.com