MARCHÉ/Le PAD à Palexpo? Une foire parisienne d’exportation

MARCHÉ/Le PAD à Palexpo? Une foire parisienne d’exportation

Il peut faire gris. Il peut faire froid. Avant d’entrer au PAD genevois, mieux vaut chausser vos lunettes de soleil. Le Pavillon des arts et du design, qui s’est acoquiné avec Artgenève, ne donne pas dans une discrétion pourtant supposée calviniste. Pour du clinquant, c’est du clinquant! La plupart des 29 exposant n’ont pas eu peur de ce qui brille. C’est chromé, laqué, doré, argenté ou miroitant. Sortez le Sigolin! Les stands de Garriddo et de Maison Rapin (dans mon enfance un rapin était un mauvais peintre) ressemblent ainsi à des pare-chocs géants. Impossible de faire plus m’as-tu-vu. Et pourtant je n’avais pas envie de regarder, vendredi à Palexpo.

Le PAD, c’est une vieille histoire. Stéphane Custot et Patrick Perrin ont créé en 1996 la chose sous le nom de Pavillon des antiquaire et de Beaux-arts. Logique! Patrick est un rejeton de la famille Perrin. Il avait déjà participé à la naissance du Salon du Dessin. La manifestation se voulait alors traditionnelle. Dès 2007, elle s’exportait. Londres accueillait une seconde mouture d’une chose se déroulant sous tente dans le jardin des Tuileries. Quatre ans plus tard, le PAD, rebaptisé entre-temps Pavillon des Arts et du Design, s’attaquait à New York. Un four. La Suisse semblait plus accessible, à tous les sens du terme. Des discussions ont eu lieu en octobre 2016. Le partenariat avec Artgenève se voyait communiqué en mai 2017. Il n’y avait plus qu’à trouver de courageux volontaires. Parisiens si possible. La manifestation éprouve de la peine à sortir de son côté capitale en goguette.

Vingt-neuf exposants

Visiblement, ces derniers n’ont pas été si nombreux (1). Vingt-neuf, c’est ce que j’appellerais un petit comité. La Suisse alémanique n’a visiblement guère été prospectée, ou alors peu convaincue. Il faut dire que Miami Basel Design, programmé en même temps qu’Art/Basel, souffre du même mal. Le visiteur y a aussi l’impression de retrouver en tir groupé les marchands de la Rive gauche de la Seine, même si je n’ai dans certains cas rien contre la chose. La présence à Genève comme à Bâle d’un Jacques Lacoste donne du poids. C’est le grand redécouvreur de créateurs mobiliers comme Jean Royère, le roi de années 1950. Idem pour Félix Marcilhac, qui a aujourd’hui passé la main aux nouvelles générations. Voici du respectable, même si le stand Marcilhac, calé par une grand enfilade art Déco de Dominique, peut sembler un brin ennuyeux à Palexpo.

C’est cependant le design de la fin du XXe siècle qui fait aujourd’hui frétiller les amateurs. Il s’agit en général de meubles énormes et prétentieux, ne relevant en rien du design. On reste en général ici dans la pièce unique (l’unicité devient ici rassurante) produite à la main. Pour vous donner une idée, il s’agit de tables ou de meubles d’appui comme on en voyait vers 1970 dans les comédies à la française où Louis de Funès jouait les méchants spéculateurs et Mireille Darc les dames de petite vertu. Le genre est amplement représenté aujourd’hui à Genève. Les nouveaux riches d’hier peuvent ainsi tendre la main à ceux d’aujourd’hui. On restait à l’époque plus réservé en Suède, comme en témoigne le joli stand de Modernity, venu de Stockholm.

Antiques et bijoux

Il n’y a dieu merci pas que cela au PAD. Seul moderniste Genevois avec Patrick Gutknecht, Lionel Latham présente l’artisanat d’art suisse avec des gens d’hier (Bonifas, Chapallaz…) et d’aujourd’hui (Yves Boucard,^Jérôme Blanc…). De Genève toujours, mais un peu égaré ici, il y a Phoenix Ancient Art, qui fait simultanément la BRAFA à Bruxelles. La galerie a amené des vases grecs ou italiotes magnifiques, plus quelques marbres antiques. On se situe avec eux dans le fastueux, mais pas trop. Les pièces les plus spectaculaires de la maison demeurent réservées aux grandes foires. Autre invité surprise, Lucas Ratton, qui amène de la sculpture africaine sans donner la moindre explication écrite. «Les gens n’ont qu’à venir me demander.»

Le design contemporain se voit bien sûr représenté avec des choses parfois aussi massives que redoutables. Armel Soyer, qui vient de Mégève (d’où sans doute le plancher de bois pour faire chalet) a par exemple amené des lustres et des sièges aussi impressionnants que possible. De quoi transformer les vacances de neige en cauchemar. Hervé van der Straeten présente sa propre production. Il en va de même pour les bijoutiers, eux extrêmement aimables. Il y a d’un côté Laurenz Bäumer, qui aspire à une joaillerie imaginative et fantaisiste. De l’autre Walid Akkad, dans un genre plus classique. Mais très raffiné. Très distingué. Walid est épaulé à Palexpo par l’équipe de Didier Luttenbacher, qui dirige normalement à Paris un magnifique magasin de céramiques du XXe siècle. Il faut bien s’entraider entre amis.

Un genre à redéfinir

Voilà. J’ai fait le tour en oubliant de saluer certains. C’est dans la nature des choses. J’ignore quel avenir le PAD se donne à Genève. Ce qui me semble clair, c’est qu’il faudrait en faire autre chose qu’un  produit d’exportation. Davantage d’internationaux. Et des Suisses autres que Genevois. Cela dit, je ne sais pas non plus ce qui adviendra de Trésor, la foire de design que Bâle a lancé l’an dernier dans une indifférence assez générale.

(1) Je me suis laissé dire que le prix du mètre carré était plus coûteux au PAD qu’à Artgenève.

Pratique

«PAD», Palexpo, 30, rue François-Peyrot, Le Grand Saconnex, jusqu’au 4 février. Tél. 022 761 11 11, site www.artgenve.ch (http://www.artgenve.ch/) Ouvert de 12h à 20h.

Lire l’article en ligne: http://www.bilan.ch/etienne-dumont/courants-dart/marchele-pad-a-palexpo-une-foire-parisienne-dexportation