La Biennale des Antiquaires change de décor

 

Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/JC MARMARA/LE FIGARO

Une scénographie signée Karl Lagerfeld, de nouveaux exposants, des acheteurs venus de l’Est… La manifestation redore son image.

La Biennale des antiquaires est-elle le dernier temple de l’art qui résiste aux bombardements de la crise? Sous la verrière du Grand Palais réinventée par le très médiatique Karl Lagerfeld, les plus grands collectionneurs de la planète sont venus, dès mercredi soir, participer au dîner de gala. Avec légèreté, ils ont foulé la moquette en imitation de pavés conduisant aux places et avenues de la capitale autour desquelles sont alignés des stands-vitrines comme sous le second Empire.

Jadis, on attendait les Américains comme des sauveurs. Aujourd’hui, ce sont ceux des pays émergents: les Chinois comme Yue Sai Kan, connue pour avoir construit un empire dans le secteur de la cosmétologie à Shanghaï, ou les Ukrainiens, à l’image du puissant homme d’affaires Andrey Adamovski, amateur discret des plus grands noms de l’art moderne à Kiev.

Près de 1400 de ces nouveaux riches de l’art, manne inespérée pour nos marchands plutôt inquiets de l’avenir de leur métier dans l’Hexagone, sont venus célébrer cet événement qui participe encore au rayonnement de la France à travers le monde. Évitant les caméras, Bernard Arnault était passé avant l’ouverture. Mais jusqu’au vernissage aucun ministre ne s’était annoncé. À l’exception de Laurent Fabius, invité à titre personnel à la table du décorateur François-Joseph Graf qui fit entrer à la Biennale son frère, François, et son XIXe triomphant, avant qu’il ne disparaisse. D’importants conservateurs faisaient figure de dinosaures au milieu des nuées de jeunes Chinoises outrageusement bijoutées. Elles n’ont pas hésité à se faire prendre en photo devant la statue Bamileke du Cameroun au sexe proéminent sur le stand de Bernard Dulon, jouxtant celui de Bulgari. Mais pas une question sur sa provenance et son prix, preuve encore d’une difficile cohabitation entre bijoutiers omniprésents et antiquaires…

«Valeur refuge»

C’est grâce à une campagne tous azimuts, de Berlin à Hongkong en passant par Istanbul et Sao Paulo, que le président de la Biennale, Christian Deydier, a pu renouveler son public, soit deux tiers d’étrangers pour cette 26e édition. La seule issue pour cette manifestation jusque-là en perte d’image, face à une concurrence effrénée de salons et de foires dans le monde et, surtout, à la montée en puissance de Maastricht et de Bâle qui captent désormais tous les ténors de l’art moderne, du contemporain et du design. «Le marché de l’art international n’est pour l’instant pas touché par la crise, confirme le président du Syndicat national des antiquaires (SNA). C’est une valeur refuge mais s’il le faut, moi et mes confrères, nous n’hésiterons pas à délocaliser nos activités si la situation s’aggrave ici.» L’idée est déjà en marche avec deux nouvelles Biennales de Paris à New York, à l’automne, et à Moscou, au printemps 2013.

Ce n’est pas non plus sans grincements de dents que le président a changé la donne de cette manifestation jugée toujours très franco-française, avec seulement 27 galeries étrangères. Il y a des départs regrettés contre 49 nouvelles arrivées sur les 118 participants. Mais ces nouveaux venus plus jeunes ou moins reconnus qui inaugurent à l’étage la réouverture du salon d’honneur émanent pour la plupart du SNA. Et leurs petits stands, alignés à touche-touche et très disparates, n’ont pas leur place dans un tel salon de prestige. L’ouverture est nécessaire mais avec des noms plus prometteurs. La sélection reste aussi à revoir dans les allées du Paris de l’Exposition universelle de Karl Lagerfeld. Les meilleurs exposants sont sur l’avenue centrale allant de la Concorde aux Champs-Élysées. Pour les autres, relégués à l’étroit derrière, point de salut!